La phase de Due Diligence, qui se caractérise par une analyse approfondie des différentes hypothèses établies dans le business plan orale du projet sur le plan comptable, juridique, financier, social ou technique en vue de réduire au maximum le risque de financement, est une étape souvent négligée par les porteurs de projets. Jean-Marc Savi de Tové, spécialiste du Private Equity nous fait partager son expertise.
Jean Marc Savi de Tové et Vissého Thierry Gnassounou, co-fondateurs du fonds d’investissement Adiwale Partners.
Dans un entretien paru dans Forbes US en Septembre 2016, Andrew Cagnetta, Président du Cabinet américain de conseils en Fusions-Acquisitions Transworld Business Advisors déclarait que près de la moitié des opérations financières, en vue d’une ouverture partielle ou totale du capital à des investisseurs, échouent en pleine phase de « due diligence ». Cela est d’autant plus vrai en Afrique, particulièrement dans la sphère francophone, une région du monde où cette étape cruciale du parcours menant à la levée de fonds est encore méconnue de la majorité des porteurs de projet. Le Togolais Jean-Marc Savi de Tové, ancien directeur associé chez Cauris Management et co-fondateur actuel du fonds d’investissement Adiwale Partners, basé à Abidjan, nous apporte son éclairage sur le due diligence en tant que spécialiste du Private Equity.
Forbes Afrique : Pour les non-initiés, quel est l’objectif du Due Diligence ?
Jean-Marc Savi de Tové : Le due diligence est l’exercice de vérification des informations qu’une entreprise fournit à un investisseur potentiel. Il s’agit pour cet investisseur de vérifier non seulement les éléments factuels, mais aussi prospectifs : confirmer dans la mesure du possible le bilan ou la profitabilité passée, mais s’assurer aussi que les hypothèses futures sont réalistes. Il permet de prendre une décision d’investissement bien informée. Le due diligence peut être comptable et financier, stratégique et commercial, fiscale, environnementale, ou sur des aspects opérationnels (organisation et ressources humaines, IT, processus de production, etc.). Il peut aussi s’agir de s’assurer de la probité des dirigeants de l’entreprise à financer.
F.A : Comment la phase de due diligence se traduit-il concrètement, sur le terrain, avec un patron de PME ou de start-up qui a formulé une demande de levée de fonds ?
JMST : Selon le niveau de préparation de la PME en question, l’exercice de collecte d’informations, de due diligence et de prise de décision peut être rapide, en tout entre 3 et 4 mois. En cela, nous conseillons aux PME de ne pas hésiter à se doter d’un conseil rompu à l’exercice avant de commencer à travailler avec eux et de nous approcher. Le temps c’est de l’argent, surtout pour une PME, et pour gagner du temps, il faut bien s’entourer.
F.A : Le cabinet de conseil britannique Control Risks souligne le manque de transparence financière sur le continent africain. Cela ne constitue-t-il pas une entrave sérieuse au bon déroulement du processus de due diligence ?
JMST : C’est une véritable entrave et une des difficultés majeures de notre métier. La bonne nouvelle est que le marché se professionnalise. Il est déjà arrivé que des dirigeants de PME par leur degré de sophistication aient réussi à présenter des comptes complètement surévalués, ce que même des sociétés d’audit de renom n’ont pas réussi à déceler. Les sommes investies ont été par la suite détournées, et les rapports périodiques étaient des faux, y compris les comptes bancaires de l’entreprise. Il a fallu du temps, de l’intuition et de bonnes relations professionnelles dans le marché pour découvrir le pot aux roses. En cela, le due diligence doit être très précis. Les banques sont les alliées des fonds d’investissement en ce sens, et nous travaillons en intelligence avec elles. Il en est de même avec d’autres acteurs du marché (fournisseurs de l’entreprise, clients, etc. pour vérifier l’information historique et prospective). Ceci dit, notre métier est d’investir. Nous avons donc étoffé nos propres process internes et poussé nos consultants à améliorer le leur, pour mieux détecter les fraudes. Nous avons construit un outil de détection de fraude et continuons de l’améliorer. Nous passons beaucoup de temps aussi, parfois même avec des psychologues pour détecter les failles dans l’énoncé des ambitions de nos partenaires futurs. En ce sens, les patrons de PME doivent fournir une transparence totale et ne pas survendre leur projet. Une fois cette étape passée, il est plus facile de travailler ensemble au succès franc de l’entreprise financée.
Combien d’opérations de due diligence votre fonds - Adiwale Partners - compte-t-il à son actif ?
JMST : Les membres de l’équipe d’Adiwale Partners ont dirigé ou participé à plus de cinquante due diligences divers, sur des entreprises ou d’autres équipes. Il y a eu par la suite dans de nombreux cas une revue à la baisse d’hypothèses de business plans, quelques fois l’arrêt de la transaction, mais dans la plupart des cas, l’exercice s’est soldé par un investissement.Notre premier fonds se focalise sur l’espace UEMOA, avec comme pays phares la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Mali et le Burkina Faso. Le Sénégal reste un pays difficile, malgré l’accueil légendaire que l’on y reçoit. D’une manière générale, ce sont les pays que nous connaissons le mieux mais ils ont besoin de rattraper l’Afrique de l’Ouest anglophone, où les niveaux de pénétration du capital investissement sont plus importants. Notre objectif est d’investir 3 ou 4 milliards de francs CFA dans des PME pour détenir une participation minoritaire, généralement autour de 30%. L’idée pour nous est de ne jamais être majoritaire, mais plutôt d’accompagner la croissance via une participation minoritaire. Notre thèse d’investissement est en effet basée sur la solidité des fondateurs et dirigeants de l’entreprise, et leur capacité à bien s’entourer pour gagner de nouveaux challenges.
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