Salué pour son climat des affaires, le pays des Mille Collines a fait le pari de l’innovation et de l’esprit d’entreprise pour devenir une destination d’investissement incontournable sur le continent. Une ambition mise en partition par une institution clé, le Rwanda Development Board.
Siège du Rwanda Development Board, à Kigali
Dans la nouvelle zone économique spéciale de Kigali, à dix kilomètres à l’est de la capitale rwandaise, le chantier du futur campus africain de la Carnegie Mellon University avance à un rythme soutenu et devrait être livré dans le courant du premier semestre 2018. L’antenne kigaloise de l’université américaine aura alors pour voisin le prestigieux Institut africain des sciences mathématiques, situé non loin de là. Deux institutions qui font partie intégrante de " l’Innovation City " de Kigali, un projet de Silicon Valley rwandaise, lancé en mai 2016, et dont l’objectif affiché est de devenir le laboratoire africain des multinationales high-tech. Rien de moins. Dans la compétition planétaire qui se joue entre nations pour attirer talents et capitaux, le " petit " Rwanda a assurément de " grandes " ambitions. Pour y parvenir, les autorités ont mis en place une institution clé pour faire du pays l’une des nations africaines les plus attractives pour l’accueil des investisseurs internationaux : le Rwanda Development Board (RDB), l’agence nationale en charge de la promotion des investissements.
Au guichet unique d’enregistrement des entreprises à Kigali, où l’inscription d’une nouvelle société se fait en l’espace d’une journée, tout est fait pour simplifier les différentes procédures : fourniture de licences commerciales, certificats d’investissement, permis de construction, accès à l’eau et à l’électricité…
« Ici, les seuls documents qui m’ont été demandés sont mes papiers d’identité et le nom de mon entreprise », explique Azhar Ali, un opérateur pakistanais installé au Rwanda depuis 2015, qui loue par ailleurs « le niveau d’imposition raisonnable (7 % pour les investisseurs étrangers, dans certaines conditions), la faible corruption et l’excellent réseau routier du pays ».
L’agence nationale annonce du reste clairement la couleur sur son site lorsque celle-ci dit vouloir « transformer le Rwanda en un centre global dynamique pour les affaires, l’investissement et l’innovation ».
Sous d’autres latitudes, une telle formule d’accroche prêterait à sourire – l’Histoire regorge de slogans restés lettre morte –, mais dans le cas en l’espèce, force est de reconnaître que l’ambition du RDB de faire décoller le pays a d’ores et déjà quelques solides résultats à faire valoir. Avec un PIB multiplié par plus de 4 depuis 2000 (de 1,9 milliard de dollars à 8 milliards de dollars en 2017) et un revenu par habitant en progression de plus de 200 % sur la période, le Rwanda fait aujourd’hui partie des meilleurs élèves de la classe économique africaine.
Défis
Reste à transformer définitivement l’essai. Une tâche de longue haleine pour le pays, qui doit relever encore bien des défis. Le refrain entendu de "Singapour africain " ne saurait ainsi faire oublier qu’en dépit des remarquables progrès accomplis au cours des dernières années, le Rwanda demeure un pays pauvre. Avec une population rurale à 80 % et un revenu par habitant inférieur à 800 dollars par an, on est encore loin du modèle asiatique (55 000 $ de PIB/ habitant annuel pour Singapour). Au premier rang des obstacles à surmonter, Eugène Ngendo, un chef d’entreprise issu de la Diaspora et actif dans l’hôtellerie, pointe « le manque de compétences disponibles localement. Un problème sérieux », selon lui. Un constat que partagent nombre d’observateurs avertis du pays. De même, sous couvert d’anonymat, un employé du RDB souligne « le caractère biaisé du message portant sur la facilité à créer une entreprise au Rwanda ». Pour lui, nombre de sociétés créées s’apparentent à des « entreprises fantômes, sans activité réelle » tandis que « la cherté des crédits bancaires ( taux annuel autour de 20 % ) tue souvent dans l’œuf les initiatives entrepreneuriales ». A un niveau plus macro-économique, les exportations restent insuffisantes pour faire contrepoids aux importations, trois fois supérieures aux premières. Résultat : la balance commerciale est structurellement déficitaire (plus d’un milliard de dollars par an) et comparée aux grandes capitales des pays limitrophes, la vie au pays des Mille Collines est chère. Souvent pointé du doigt, le coût de l’électricité au Rwanda est par exemple 30 % plus onéreux qu’au Kenya. Qui plus est, dans un pays en forte croissance, les besoins vont grandissant.
Kigali, capitale du Rwanda
Les choses évoluent dans le bon sens cependant. Des programmes d’assistance sont ainsi proposés depuis peu par le RDB aux entrepreneurs, afin d’aider ces derniers à mieux valoriser leurs produits à l’exportation. De même, pour attirer les talents, une loi a été adoptée en 2016, exemptant de visa tous les ressortissants africains. L’offre d’énergie devrait quant à elle sensiblement progresser à moyen terme. En partenariat avec les autorités rwandaises, plusieurs investisseurs – à l’image de l’Américain ContourGlobal avec sa centrale KivuWatt, qui fonctionne grâce au gaz méthane extrait du lac KIvu – se sont d’ores et déjà engagés à fournir des installations qui apporteront une puissance installée supplémentaire d’au moins 150 MW au cours des prochaines années. De quoi enfin fournir une énergie plus abondante et à meilleur marché, condition indispensable à la poursuite de l’expansion économique rwandaise. De même, la mise en service du futur chemin de fer est-africain d’ici la fin de la décennie, pour un investissement total supérieur à 5 Mds$, réduira notoirement la durée du transport et le coût de celui-ci. Un avantage qui pourrait s’avérer décisif pour faire du pays des Mille Collines le hub incontournable qu’il entend devenir entre les aires francophones (Afrique centrale) et anglophones ( Afrique de l’Est ) de la sous-région. C’est ainsi qu’on fait la différence dans un monde globalisé où la compétition pour attirer les capitaux est la règle. Une leçon qu’a parfaitement intériorisée le Rwanda, par le biais de son agence la plus célèbre, RDB.
A propos du Rwanda Development Board
Né en 2009 de la fusion de différents services dédiés à la création d’entreprise et créé sur le modèle du Singapore Economic Development Board, le RDB est en première ligne pour exécuter la feuille de route du plan directeur national “Vision 2020”. En ligne de mire : le statut de pays émergent à revenu intermédiaire d’ici 2020. Le RDB est aujourd’hui dirigé par Clare Akamanzi, entrée dans l’institution en 2008, et qui s’est d’abord occupée de la promotion des investissements, avant de piloter l’ensemble de l’agence.
Par Jacques Leroueil
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