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Entreprendre au Gabon : Quels leviers pour propulser l’entrepreneuriat ?

Dernière mise à jour : 14 oct.


Le fait que le Gabon parvienne à constituer un écosystème entrepreneurial robuste est un horizon encore lointain, même si les porteurs de projet sont de plus en plus nombreux à se lancer dans ce pays d’Afrique centrale. De ce fait, comment créer les conditions nécessaires pour voir s’exprimer davantage les talents, en vue de faire émerger une myriade d’entreprises pérennes et rentables ?

" Gabon emerging ecosystems " : Tel a été le thème du webinaire organisé le 7 Avril 2021 par le sommet Emerging Valley, auquel ont participé Sylvère Boussamba (fondateur d’Ogooue Labs), Josiane Maténé De Longueur (fondatrice de 3MJ Consulting, coordinatrice "Les Sambas professionnels"), Aubin Ngoua (Fondateur de Solar Box Gabon), Édouard Claude Oussou (Scientia Africa), Sylvie Ntchandi Touré ( directrice de "l'Ecole 241" & "l'Ecole Busines 241") et Anthony Marat (fondateur de YoboResto), modéré par Mohamed Touré (en charge du Pôle Technologie & Transformation digitale chez Deloitte Afrique).

Le webzine CEO Afrique, qui a visionné cette e-conférence, vous détaille les forces du paysage entrepreneurial gabonais, tout en mettant en exergue les marges de progression existantes pour améliorer davantage ses performances.




Se donner des objectifs ambitieux, monter sa propre affaire, concrétiser son projet etc… Les motivations pour lancer sa société sont multiples et beaucoup sont les jeunes gabonais qui ont osé franchir le pas. À Libreville par exemple, la capitale gabonaise, il existe déjà un bon maillage en outils d'accompagnement, permettant de faire émerger ses idées. Plus globalement dans cet écosystème entrepreneurial local, l’enseignement supérieur reste dominé par EM Gabon université ( Ex : École De Management Du Gabon), susceptible de faire émerger des nouvelles générations d’entrepreneurs. Par ailleurs, le pays est bien classé sur un critère déterminant : le taux de pénétration internet s’y élève à 60.0 %, des données chiffrées largement supérieures à la moyenne continentale, soit 43.0 %, selon les dernières estimations d’Internet World Stats. Ce constat est d'autant plus important que le numérique et les nouvelles technologies sont devenus des composantes essentielles dans la vie d'une entreprise.

Malgré ces atouts, de nombreuses initiatives entrepreneuriales échouent ou avortent même avant d’avoir vu le jour. En fait, l’énorme défi pour le Gabon consiste à sortir d’une hantise pour la création de sociétés pour se focaliser sur le développement et la pérennité de ses entreprises.


« Les autorités ont beaucoup misé misé sur les infrastructures, au détriment de l’Éducation et la formation » déplore Sylvie Touré, directrice de "l'Ecole 241" et "l'Ecole 241 Business".


 

 

Donner les outils pour mener ses conquêtes commerciales à l’international


Des efforts sont consentis pour soutenir les porteurs de projet et faire émerger une nouvelle classe d’entrepreneurs. En atteste, des structures d’accompagnement, aujourd’hui devenues des références locales en la matière, telles qu'Ogooué Lab , JA Gabon (Junior Achievement Gabon), ou encore la Société des Incubateurs Numériques du Gabon (SING) .

Toutefois, les possibilités de croissance économique qu'offre l'entrepreneuriat en sont encore largement inexploitées. Sylvere Boussamba, fondateur du laboratoire d'innovation Ogooue Labs, a été l'un des premiers à saisir l'enjeu de cette problématique pour lancer parallèlement le programme StartX241, qui donnera l’occasion aux entreprises locales d’être mieux armées pour conquérir de nouveaux marchés, en termes de territoires et de produits qualitatifs.


« [ .. ] Des startups seront créées sur le territoire national, mais elles vont aussi y être accélérées, ainsi que dans les 10 autres pays de la CEEAC [ Communauté économique des États de l'Afrique centrale, NDLR ]. Nous avons déjà recensé près de 266 innovations qui ont décidé de venir s’implanter au Gabon et déployer leur activité à l’intérieur de cet espace économique que forme la CEEAC, soit un marché potentiel de 200 millions de consommateurs. On a su associer à ce projet des acteurs de renom — l’Union européenne, l’Agence Française de Développement, l’Ambassade de France, l’opérateur telecom Airtel, la Banque panafricaine COFINA — . C’est ce type d’initiative qui va permettre d’identifier et propulser les pépites de demain et y injecter de l’argent » déclare Sylvere Boussamba.




Ces opportunités d’affaires devront sans doute s’amplifier pour les entreprises candidates au programme StartX241, avec le démarrage de la ZLECA qui est entrée en vigueur le 1er Janvier 2021, offrant la possibilité d’accéder à 1,2 milliard de consommateurs .

 
 

Parmi les dernières nées, figure la JFD Gabon, un accélérateur de croissance situé en plein cœur de Libreville, qui réunira des femmes entrepreneurs.


Faciliter l’accès au financement


L'accès au capital pour les entrepreneurs est un point de blocage et constitue le défi numéro un pour les porteurs de projet. C’est notamment l’un des facteurs d’échec dans le développement des entreprises. Si tout le monde s'accorde à dire que trouver de l’argent pour une jeune société prend un temps fou, on ne peut pas vraiment parler de l’existence d’une myriade d’aides publiques et parapubliques destinées aux candidats à la création d’entreprises et les banques demeurent très frileuses, préférant se tourner vers des projets ayant fourni des preuves extrêmement solides à l'appui de leur activité.


« Les apporteurs de capitaux exigent que les entreprises aient franchi le cap des deux ans d'existence. On comprend bien que ceux qui investissent veulent récupérer leur mise de départ. Mais comment peut-on envisager d’accorder une chance à une personne qui n’a même pas encore débuter, que l’on exclut avant même de pouvoir commencer ? » s’étonne Josiane Maténé De Longueur, initiatrice des Sambas Pro & Samba Kids. Une manière d’affirmer que la réussite d’un projet n’est jamais acquise d’avance et que l’aversion au risque est très peu prononcée chez les investisseurs.


Une analyse que semble partager implicitement Sylvère Boussamba, avec un avis plus nuancé :


« Il faut former nos business angels, encadrer tous ceux qui sont censés aider à financer les startups. On a besoin de structuration à ce niveau [ ... ] ».


L’une des priorités serait donc d’inculquer la culture de l’investissement individuel en favorisant la création de business angels, tout en les aidant à émerger et se développer.

 
 

Pour sa part, Anthony Marat, fondateur de Yoboresto, insiste sur les incitations financières aux effets manifestement insuffisants :


« Il y a la problématique de la taxation sur la sortie d’un fonds d’investissement du capital d’une entreprise au bout de cinq ans, lors de la réalisation de sa plus-value. Le niveau de taxation ne rend pas l’opération intéressante. Dans ces conditions, il est difficile d’inciter les investisseurs à prendre des risques ».


La fiscalité du patrimoine relative à la détention d’actions ou de parts dans une start-up serait dissuasive même si cet investissement peut rapporter des plus-values importantes lors de la sortie du capital après quelques années, selon ses dires.



De son côté, Edouard Claude Oussou, fondateur de Scientia Africa, pointe du doigt la difficulté à financer les activités du secteur informel, dont les exigences de transparence comptable et financière ne sont quasiment pas respectées, empêchant ainsi le recours aux marchés de crédit officiels :


« Le niveau de formalisation des startups est faible, ce qui rend difficile le financement de leurs activités. De ce fait, il ne peut y avoir des moyens de contrôle efficaces et il n’y a aucune garantie pour les éventuels investisseurs de récupérer les sommes investies » .


Par rapport à cette assertion, Anthony Marat fait toutefois entendre une voix discordante, étayant ses propos en s’appuyant sur sa propre expérience :


« Je ne pense pas qu’il y ait un lien avec le fait qu'une société soit - ou non - dans l’informel [ ... ]. Lorsque je propose une application pour se faire livrer de la nourriture par tous les restaurants de Libreville et que l’un des fonds d’investissement approchés me parle de faire plutôt une centrale d'achat en vue de faire livrer des plats dans les bureaux, on ne peux pas dire qu’on ait la même vision ! » relate le fondateur de Yoboresto, fustigeant certains de ses interlocuteurs, par rapport au fait que ceux qui traitent les dossiers de financement ne sont pas forcément issus de la sphère entrepreneuriale. D'où l'idée fréquemment véhiculée que la vision stratégique portée par les banquiers est souvent très différente de celle des dirigeants d’entreprise.



Dans un tout registre, Aubin Ngoua, fondateur de Solar Box Gabon, une société spécialisée dans les kits solaires photovoltaïques, regrette que les concours à la création d’entreprise soient réservés, dans leur grande majorité, aux projets innovants et suggère que les fonds d’investissement ne doivent pas prendre en compte une seule catégorie d’entrepreneurs. « Cela doit être assez ouvert, à partir du moment que le projet ait un fort potentiel de croissance » soutient ce diplômé en Génie Électrique.


Pour Sylvie Touré, l'efficacité de l'écosystème impose aussi de se doter d’un cadre réglementaire favorable à l’innovation, caressant l’idée de voir un jour l’adoption d’un projet de loi relatif à la promotion de startups au Gabon, s’inspirant du "Startup Act" tunisien, un cadre juridique qui permettrait entre autres d’octroyer des facilitations aux personnes physiques qui souscriraient au capital de ces startups ou qui exonéreraient ces jeunes pousses innovantes de l’IS (Impôt sur les sociétés), pendant la période de labellisation.


Accepter l'échec


La création d’entreprise s’apparente à un long parcours d’obstacles et implique d’évaluer préalablement ses traits de caractères, d’avoir un mental assez fort pour faire face aux difficultés, d’accepter l’idée de se remettre en question en permanence et de sortir de sa zone de confort.

 
 

« On parle souvent des modèles de réussite d'entrepreneurs, jamais de leurs échecs ; une mauvaise manière de préparer mentalement un aspirant entrepreneur. C’est la raison pour laquelle les entreprises meurent au bout de deux ans, si l’on en croit les statistiques. Quand on se lance, il faut savoir maîtriser les bases de l'entrepreneuriat » explique Josiane Maténé De Longueur.


Même son de cloche de la part d’Aubin Ngoua, estimant que « rien ne peut se faire sans prendre de risque. La culture entrepreneuriale, c’est un état d’esprit, ce signifie qu’il faille accepter l’échec pour mieux rebondir ».


 

Harley McKenson-Kenguéléwa

 

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