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Maroc : 7 propositions chocs pour concilier prospérité économique et inclusion sociale | CEO Afrique

Dernière mise à jour : 13 oct.


PME & start-up, compétitivité, numérique, appels d’offres, finances publiques, pouvoir d’achat, marché du travail … Début février 2020 au quartier d'affaires de Paris La Défense, l’association "Forum Horizons Maroc" a interrogé des experts économiques, représentants du secteur financier et acteurs institutionnels sur les moyens de refondre en profondeur l'économie marocaine . Le site d’information "CEO Afrique", présent à ce forum, a scruté à la loupe leurs propositions en matière de développement économique et social.



« Il semble qu'il y ait unanimité pour reconnaître que le Maroc ne va pas si bien que cela [ ... ] ». Tels ont été les mots prononcés sans ambages par le député marocain Omar Balafrej, en ouverture de la 24ème édition de Forum Horizons Maroc (FHM) qui s’est tenue le 2 Février 2020 dans l'espace Grande Arche de la Défense, près de Paris. Peu importe les orientations politiques ou idéologiques ; la liste de ce qu'il est possible de faire pour soutenir une croissance économique inclusive est sans fin. Dans le cadre de cet événement, des acteurs majeurs de la vie publique, grands décideurs et experts ont formulé un ensemble de recommandations d'actions visant à favoriser le progrès économique et social ainsi qu'un niveau d'emploi élevé. Le webzine " CEO Afrique " a revu en détails 7 points clés de ces ambitieuses idées susceptibles d’inventer le Maroc de demain .


 

ÉCONOMIE

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Redéfinir les missions du Ministère de l’Économie et des Finances



 

Eu égard aux immenses défis que doit relever le Maroc, le docteur en sciences économiques, Tarik El Malki, s’interroge sur les objectifs, les valeurs et les priorités en matière de progrès et en profite pour pour réviser la notion de " modèle de développement " .


« Un modèle de développement se caractérise par la capacité d’un pays à définir une vision, à se projeter dans l’avenir. C’est un dessein collectif basé sur un référentiel culturel commun, axé sur un ensemble de valeurs qui interpellent également sur la nécessité de mettre en place un certain nombre de ruptures . Ce modèle de développement est multi-composite, englobant les aspects politique, institutionnel, économique, culturel, sociétal, voire religieux, tenant compte de la capacité à les implémenter, les évaluer et, surtout, à demander des comptes à travers une bonne gouvernance et la reddition de compte » .


Les impératifs économiques sont, pour lui, une occasion de redéfinir les missions et prérogatives du Ministère de l’économie et des Finances pour revenir à ses fondamentaux et lui redonner ses lettres de noblesse.


« [ ... ] Le Maroc ne dispose pas de Ministre de l’ Économie et des Finances au sens classique du terme. Nous avons certes de bons ministres des Finances, de bons techniciens. Mais un Ministre de l’Économie doit être capable, comme son nom l’indique, de concevoir, d’implémenter, de mettre en place et d’évaluer les politiques au niveau, entre autres, du budget [ ... ]. Je suis un tenant de la nécessité de laisser filer le déficit budgétaire pendant quelques années. Il est complètement aberrant, dans une période de crise économique, de mettre en place des mesures d'austérité [ ... ]. Dans une période de crise, il faut relancer la machine économique avec des politiques budgétaires audacieuses, volontaristes et investir dans les infrastructures de base. [ ...]. À quoi cela sert-il de nous imposer une orthodoxie budgétaire, de nous infliger des injonctions qui viennent des institutions internationales et qui entravent notre croissance ? Il faut se réapproprier notre souveraineté économique, financière et budgétaire [ ... ] » .



Tarik El Malki veut aussi prouver l’utilité d’une structure étatique nationale en charge de la planification économique du royaume.


« Il n'existe plus de ministère du plan. Sur le plan institutionnel, j’en appelle, à l’instar de ce qui se fait en Asie, à la création d’une agence publique. Nous avons besoin d’un instrument d’utilité publique qui planifie, coordonne et évalue les politiques publiques » .


Enfin, l’économiste considère que les mesures prises dans quelques nations émergentes peuvent conduire à s'interroger sur les choix marocains :


« [ ... ] Concernant le développement du secteur privé, il faut regarder ce qui se passe en Turquie et dans les pays asiatiques. Il y a une dichotomie totale entre l’État, qu’on appelle " l’État stratège", "l’État planificateur" ou " l’État bâtisseur " qui allouent des ressources et mettent en place une politique fiscale incitative ou confiscatoire [ .... ] » .



 

ENTREPRISES

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Soutien financier aux PME et start-up ; accompagnement dans le processus de maturation des projets ; obligation d'implantation géographique et d'ancrage territorial des entreprises dans le cadre d'appel d'offres .

 

Kamal Mokdad, directeur général de la Banque Centrale Populaire (BCP), estime que le Maroc dispose d’un tissu entrepreneurial faible et fait le constat selon lequel les fonds de capital-risque investis dans la création d'entreprise restent insuffisants. Néanmoins, il se réjouit des initiatives qui ont été menées récemment :


« Un certain nombre de conventions ont déjà été signées, parmi lesquels la création d’un fonds d’appui au financement de l’entrepreneuriat d’un montant global de 6 milliards de dirhams — 3 milliards émanant du secteur bancaire, 3 milliards d’apports venant de l’État — sur une période de 3 ans, auquel se rajoutent 2 milliards de dirhams d’apports émanant du fonds Hassan II qui seront dédiés au monde rural. Mais nous avons vite constaté que cela n'est pas suffisant. Le financement n’est pas la seule recette. Il faut aussi accompagner les start-up, les entrepreneurs et les porteurs de projet afin leur donner toute la valeur ajoutée dont ils ont besoin, de telle sorte qu’ils puissent cadrer leur vision, mettre en place un business plan, sécuriser des marchés etc ... ». C’est sans compter le "Small Business Act" qui tarde à être opérationnel .


Kamal Mokdad rappelle que ce sont les TPE qui contribueront grandement, à hauteur de 90%, à la croissance économique.


« Il faudrait qu’on remette l’entrepreneuriat au cœur des priorités nationales. On a initié un certain nombre de recommandations : l’enseignement à l’entrepreneuriat, la mise en place d’un crédit d'impôt recherche la mise en place de fonds d’investissement en quantité et l’augmentation du nombre de fonds d’investissement » , soutient le banquier .

Outre les mesures et objectifs louables cités ci-dessus, Abdellatif Maâzouz, ancien ministre du commerce extérieur et actuel président de l'Alliance des économistes istiqlaliens, plaide pour l'introduction et le respect des critères de préférence locale dans le code des marchés publics :


« Il faut territorialiser l’encouragement à l’investissement. À chaque fois qu’une entreprise est capable de répondre à un marché ou un bon de commandes, la priorité sera d'abord donnée aux PME et TPE à l'échelon local, ensuite au niveau de la province et, pour finir, à l'échelle de la région [ ... ]. La concurrence doit être le maître-mot de la gestion des affaires économiques . La première rupture à opérer, c’est de rompre avec la logique de rentes et avantages [ ... ] » .


 

NUMÉRIQUE - DIGITAL

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Mieux appréhender les enjeux juridiques et technologiques des données personnelles




 

Compte tenu de la puissance des grands groupes technologiques et des fournisseurs de service de communications électroniques [et en dépit de la mise en place d’organes de prévention des risques contre la cybercriminalité tels que la Direction Générale de la Sécurité des Systèmes d’Information (DGSSI), le Centre Marocain d’Alerte et de Gestion des Incidents Informatiques (MA-CERT) ou la Commission Nationale de Contrôle de la Protection des Données Personnelles (CNDP), NDLR], Abdellatif Maâzouz déplore l'insuffisance de mesures prises pour réguler efficacement l’infrastructure numérique à l’ère où les données personnelles se multiplient, d’autant plus que la majorité des ménages marocains sont connectés à Internet si l'on en croit les dernières enquêtes de l’Agence Nationale de Réglementation des Télécommunications (ANRT).



« Nous assistons à un grand tsunami technologique qui est en train d’envahir le monde entier. Nul ne peut rester indifférent [ ... ]. Il y a un travail à effectuer en matière de recherche, d’éducation & d’enseignement supérieur et de législation [ ... ] .On doit, par exemple, élaborer des textes encadrant la protection des données personnelles » propose l'ancien ministre .


Plus concrètement, un tel arsenal juridique pourrait, entre autres, permettre aux fleurons de l'industrie marocaine de limiter les risques de pertes massives de parts de marché, en cas de vol de secrets de fabrication .


 

EXPORT

Commerce international

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Faire émerger un écosystème de sous-traitants hautement créatifs




 

Tarik El Malki souhaite avant tout tirer des leçons de l'évolution négative de la balance commerciale et des faiblesses structurelles de l’économie marocaine en termes de compétitivité, par rapport à aux principaux partenaires. L’universitaire salue les actions publiques qui ont déjà été engagées au cours des dernières décennies, mais saisit l’urgence de faire un tour d’horizon de l’économie marocaine qui semble, à ses yeux, être actuellement sur de mauvais rails :


« Malheureusement, le Maroc a raté le seuil de l’émergence. Le pays enregistre des déficits en matière d’échanges commerciaux avec l’ensemble de nos partenaires : 100 milliards de dirhams avec l’Union Européenne, 25 milliards de dirhams avec les États-Unis, 60 milliards de dirhams avec les pays asiatiques etc ... Le mal réside dans une compétitivité industrielle très faible. Le PIB industriel au Maroc ne dépasse pas 15% depuis 20 ans . A peine 5000 entreprises exportent leur production. Les 100 entreprises les plus puissantes accaparent 80% du chiffre d’affaires à l’exportation. L’offre à l’export extrêmement peu diversifiée, peu innovante et peu sophistiquée. La part des échanges commerciaux du Maroc au niveau mondial ne dépasse pas 0,15 % depuis une dizaine d’années, sans parler des disparités sociales et territoriales ».


Même son de cloche de la part de Kamal Mokdad , affirmant que les ménages ont longtemps adopté « un mode de consommation locale et intensive au détriment de l’export ».


L’occasion pour Tarik El Malki de faire des propositions pour relancer et booster les exportations en faveur des PME et grands groupes :


« La production locale doit générer davantage de valeur ajoutée. Il faut mettre en place un écosystème de sous-traitants et passer à la fabrication de produits à fort contenu technologique, notamment dans le secteur automobile [ ... ]. Nous n’avons pas pour vocation d’être uniquement des bons équipementiers. Le Maroc doit aussi concevoir des produits extrêmement sophistiqués à haut degré d’innovation » .




Pour sa part, Kamal Mokdad suggère que les fonds d’investissement « prennent des participations dans des entreprises étrangères afin de procéder à du transfert de technologie ». Ce transfert de connaissances et de savoir-faire pourrait constituer, pour les PME locales, un moyen de combler leur éventuel retard technologique à moindre coût et renforcer leur compétitivité sur la scène internationale.


 

FISCALITÉ

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Rendre l'impôt plus juste et équitable


 

Pour Tarik El Malki , il est impératif de renforcer le civisme fiscal et d’apprendre aux entreprises , aux professions libérales et aux particuliers le consentement à l’impôt, dans un contexte où les pouvoirs publics s’évertuent à faire respecter scrupuleusement les obligations fiscales, en vue de mobiliser davantage de recettes et créer des infrastructures sociales, d'éducation et de santé publique .


« Nous avons un système d’imposition particulièrement injuste. La pression fiscale qui pèse sur le facteur travail est passée de 20% il y a 10 ans à plus de 30%; alors que la fiscalité sur le capital stagne autour de 10% à 12% . [ ... ]. 70% des recettes de l’impôt sur le revenu sont payés par 80% des salariés du public et du privé. Les médecins, les avocats et les architectes ne paient quasiment pas d’impôt au Maroc. Il y a un problème d’iniquité [ ... ]. J’en appelle à un choc fiscal qui irait dans deux sens : Un soutien à la compétitivité des entreprises à travers une baisse de l’impôt sur les sociétés pour les PME, portant le taux à 20% ou 25 % et un soutien à l’innovation via l’octroi de crédits d’impôt recherche; un soutien du pouvoir d’achat des ménages en défiscalisant les dépenses de santé et d’éducation [ ... ]. J’en appelle également à exercer substantiellement une ponction sur les hauts revenus qui sont, à mon sens sous-taxés, dans notre pays » .


 

ÉDUCATION - ENSEIGNEMENT

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Augmenter massivement le budget de l’Éducation


 

Promouvoir la réussite en enseignement scolaire, secondaire et universitaire est devenue une idée prédominante dans la pensée d’Omar Balafrej. Le parlementaire déplore que l’Éducation soit reléguée au second plan et n’hésite pas à prendre en exemple les pays voisins ou les économies développés pour bien mettre en relief la grande marge de progression à réaliser.


« L’éducation au Maroc, c’est 21% du budget de l’état, soit 6,5% du PIB. Mais nous détenons un tout petit PIB. l’État marocain dépense près de 7000 dirhams par élève par an; la Tunisie, 1 1000 dirhams par élève par an.; la France; 85000 dirhams par élève par an. Nous avons donc un problème de budget » . indique t-il, chiffres à l’appui.


Ajouté à cela, la pénurie d'enseignants et le problème du nombre de gardiens et de facilitateurs dans les écoles qu’il dénonce avec véhémence. Le gouvernement devrait donc assumer une charge additionnelle dans les dépenses du secteur de l’éducation et intégrer le ministère de l’intérieur dans la gestion des affaires éducatives, en matière de sécurité.


« L’éducation constitue la priorité absolue [ ... ] . Nous devons réinvestir l’école publique marocaine. Tous les ministères doivent prélever un peu des ressources sur leur budget pour les réinjecter dans celui de l’éducation . Il faut augmenter le nombre d’enseignants [ ... ] et régler le problème de la sécurité » recommande Omar Balafrej .


En complément de ces sommes à allouer, le député souhaite aussi ponctionner davantage d’argent sur l'héritage de telle sorte à assurer une meilleure bonification du budget de l’éducation :


« Je me suis inspiré des travaux de Thomas Piketty, en ce qui concerne l’impôt progressif sur l'héritage et l’impôt progressif sur la fortune. En cas de décès, 90% des sommes disponibles reviendraient aux héritiers; les 10% restants seraient versés dans un fonds dédié à la généralisation du pré-scolaire au Maroc » . Une manière de rappeler l'importance d'une scolarisation en très bas âge, susceptible de soutenir un meilleur apprentissage des langues parlées et de la lecture, ainsi qu’une initiation à la vie en collectivité .


 

EMPLOI - CHÔMAGE

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Booster l'emploi par les investissements directs étrangers


 

1,43 milliard de dirhams (135,1 millions d’euros) tel est le montant des investissements étrangers au Maroc, annoncé fin Janvier 2020 par l’Office des changes. Malgré une régression des flux d'IDE par rapport la même période de l’année précédente, le royaume chérifien figure toujours dans le Top 3 des pays africains, aux cotés de Égypte et de l’Afrique du Sud, en matière d’implantations de projets d’après le dernier Indice d’attractivité en Afrique du cabinet d’audit Ernst & Young (EY).


Des chiffres qui ne se traduisent pas forcément par des plans d’ embauches massives.


« Le taux de chômage est une donnée insignifiante, ne reflétant pas la réalité dans un pays comme le Maroc, analyse Omar Balafrej. Il n'existe pas d'équivalent marocain de Pôle Emploi où vous pouvez accomplir des démarches. Le bon indicateur, c’est le taux d’emploi ! Il s’élève à 70% dans tous les pays de l’OCDE; il n’est qu’à 43% au Maroc. Cette proportion est très faible. Il faut créer des scénarios de ruptures modérées ».


A cet égard, Abdellatif Maâzouz veut surfer sur la dynamique des investissements étrangers pour renforcer l'arsenal législatif et réglementaire concernant l’obigation de recruter du personnel local, quitte à l’augmenter :


« Le premier élément de négociation avec les investisseurs doit porter sur l’emploi, et non sur le volume investi. Il faut contractualiser les engagements d’investissements en mettant l’accent prioritairement sur la création d’emplois ».


 

Par Harley McKenson-Kenguéléwa


 

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